A cette même époque l’année dernière les yeux de chat étaient au menu (voir l’article « Queues on slip road », 21/07/2013). Cette année je propose de rester sur le même thème (plus ou moins). Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé (je suppose que oui mais je pose la question quand même) de voir des indications sur le bord de la route que vous ne comprenez pas. Je ne parle pas des panneaux affichant des informations à l’attention des automobilistes. Je parle des panneaux qui servent aux professionnels de la ou des routes. Voici un exemple : petit carré rouge barré portant les lettres « FL » ; plus loin, petit carré orange (et non rouge … ou bien c’est du rouge qui s’est légèrement décoloré) portant les mêmes lettres sans barre oblique cette fois. Autre exemple (sur l’autoroute) : une série de petits panneaux rouges portant des numéros au-dessus desquels se trouve ce qui ressemble fort bien à des flocons de neige (***, **, *). Autre exemple qui concerne les informations affichées sur les véhicules : à quoi correspondent les lettres « SP » que l’on voit sur certains véhicules espagnols ? (« Spain » ? C’est trop facile, d’ailleurs il y a déjà la lettre « E »)
Que signifient ces petits panneaux, ces petites affiches ? A qui sont-ils destinés ? Comme la route est longue on s’amuse à essayer de trouver des explications. Et parfois nos explications semblent si convaincantes que l’on oublie qu’on s’était posé tant de questions … jusqu’à ce qu’on tombe sur un exemple qui invalide nos explications. Et le jeu recommence.
Autre exemple qui n’a rien à voir avec les panneaux et qui n’est qu’indirectement lié aux déplacements en voiture : celui des éoliennes (on en voit souvent depuis la voiture). Mais le phénomène reste le même. Je m’explique. Quand on regarde un parc d’éoliennes il y en toujours une (voir plusieurs) à l’arrêt. Qu’il vente ou qu'il pleuve, qu’il fasse chaud ou qu’il fasse froid, le constat est si régulier qu’il finit par nous interpeler. Et comme pendant les longs voyages en voiture on cherche à s’occuper, on essaie d’imaginer une ou des explications (la panne, la maintenance, l’évitement de surproduction d’énergie, le vent qui ne souffle pas si droit que l’on imagine, la mauvaise facture de l’appareil, etc.). Et parfois nos explications semblent si bien tenir la route qu’on les oublie … jusqu’à ce qu’on tombe sur un contre-exemple ou un argument qui invalide nos hypothèses. Et le jeu recommence.
Comme c’est souvent le cas quand on se pose ce genre de question, la réponse est là pour qui veut bien la chercher sur Internet (vous pouvez essayer, par exemple, en tapant « panneau autoroute rouge flocon » ou « éolienne tourne pas » dans votre barre de recherche sur Internet). Mais quand on en a pour des heures de trajet, à quoi bon trouver la réponse tout de suite ? Et même si vous trouvez LA réponse tout de suite, celle-ci a souvent tendance à occulter toutes les autres petites questions (plus ou moins pertinentes) qui semblent vouloir se poser au fur et à mesure que l’on cogite (même si en cherchant sur certains forums en ligne on trouve des réponses à pas mal de questions annexes, ce qui peut être problématique d’ailleurs car on trouve parfois des informations contradictoires) : par exemple, pourquoi ne trouve-t-on pas ces panneaux sur toutes les autoroutes ? Pourquoi la série commence-t-elle à trois flocons ? Pourquoi ces panneaux (qui se situent au niveau de la glissière centrale) sont-ils accompagnés de panneaux doublons à droite indiquant le même décompte (mais sans flocons) ? Etc.
Si la réponse est là pour qui veut bien la chercher, elle est là aussi pour qui la sait déjà, c’est-à-dire pour les employés des autoroutes ou les spécialistes des éoliennes. D’ailleurs, pour ces personnes-là, ces questions ne se posent même pas, tout comme pour un panneau routier ordinaire on ne se met pas à délirer sur le pourquoi et le comment de la chose.
Voilà, tout ça pour dire que la découverte (et l’apprentissage) d’une langue étrangère ressemble parfois à ce jeu. Pour les personnes qui la connaissent déjà, ces questions ne se posent même pas ; pour d’autres elles se posent, et on cherche (souvent inconsciemment) à les comprendre, même quitte à ne pas aboutir à la seule bonne réponse du premier coup. D’ailleurs, pour certains spécialistes de l’apprentissage cette manière qui consiste à procéder par hypothèses successives serait plus intéressante dans certaines situations que la solution la plus directe consistant à chercher directement la réponse ou la règle dans un dictionnaire ou dans une grammaire.
C’est donc ainsi que l’on passe du panneau routier à l’interlangue en passant par l’éolienne!