Dans un article publié en 2012[1], je mettais en avant l'importance d'analyses personnelles de situations vécues, de pratiques d'enseignement. Il est important de comprendre qu'il n'y a pas de chercheur derrière chaque enseignant, prêt à guider, contrôler, faire des hypothèses, tester, etc. Mais il est important aussi d'accepter que tout praticien a le droit d'analyser, d'évaluer, de porter un jugement sur les choix qu'il opère, sur son vécu :
Both of the teachers felt that their tasks had been made easier and that the corpus methods and techniques allowed them to carry out their work more efficiently. However, it is difficult with this type of research to positively state that students learned more (or even learned more efficiently) than they would have done with more conventional activities. It would be rather demanding to expect ordinary teachers to systematically carry out control and test group observations. In fact, teachers already have at their disposal a range of measures and indicators that inform them of students’ achievement and they must use these foremost when they come to take stock of their corpus-based activities, and when they come to decide whether they will continue to use them. For example, at a very basic level, the students’ marks are taken as measures of progress; or quite simply, questions such as ‘are they interested in the work?’, ‘did they complete the exercise?’ or ‘can they do things that they couldn’t do at the start?’ can be indicators of learner engagement or achievement. But teachers also need to see students working well and enjoying it. As teacher A commented, this too is a simple but effective and perfectly normal means of seeing how well a given activity is working.
Différentes problématiques en lien avec cette question ont déjà été abordées sur ce site, par exemple, mettant en avant le recours à l'auto-analyse, le retour sur une expérience (voir par exemple la question du noticing - surtout lisez bien les différents commentaires à la suite de l'article), l'analyse croisée d'expériences d'utilisation (voir par exemple le travail de réflexion autour du tableau en didactique des langues) et la pratique exploratoire préconisée par Dick Alrwright (voir l'article dédié à ces questions).
Dans les paragraphes qui suivent, nous verrons comment les étudiants du Master Sciences du langage à l'Université de Perpignan Via Domitia ont pu profiter d'analyses croisées de leurs expériences pour développer un regard critique sur la place des TIC dans l'enseignement des langues. Le constat est facile : on a tous connu l'utilisation de toute une gamme de TIC dans l'apprentissage des langues (tableau noir / blanc, manuel, dictionnaire, cédérom, vidéo, rétroprojecteur, applications, etc.) mais il n'est pas forcément évident de développer un regard critique sur ces éléments: apprend-on mieux avec les TIC ? Quid de la motivation ? Et l'autonomie ? Et ainsi de suite. C'est donc en croisant les différents témoignages qu'un ensemble d'analyses émerge.
Cap sur la motivation
"Les TIC doivent servir de complément et non d’élément central au sein d’un cours afin de garder la motivation et la concentration des élèves. En effet, nous trouvons intéressant d’utiliser les applications telles que Kahoot ou Quizlet pour les rappels de notions, qui permettent d’entretenir une interaction ludique avec les apprenants. L’utilisation du TBI est aussi une TIC innovante qui garde l’idée du tableau classique tout en apportant une nouvelle dynamique de participation de la part des apprenants. Néanmoins, l’usage de ces TIC garde tout de même une idée arriérée des nouvelles technologies que nous pouvons connaître aujourd’hui. Même si le TBI est plus avancé, il garde la même thématique du tableau classique, avec des nouveaux éléments qui peuvent parfois être 'too much'.
Les plateformes telles que Deepl ou Reverso donnent la possibilité aux apprenants d’acquérir une certaine autonomie, leur donnant accès à du vocabulaire par exemple, tout en brisant la routine professeur/apprenant. Cette initiative provenant de l’apprenant lui-même de rechercher des termes via ces plateformes permet de stimuler la motivation. De plus, la flexibilité d’utilisation, de n’importe où n’importe quand a un côté assez jouissif à l’apprenant de s’informer de tout quand il le souhaite. Cependant les supports de traduction comme Deepl ou Reverso ne permettent pas de comprendre les nuances du langage parlé, les connotations, et les contextes de chaque phrase, ce qui rend parfois la traduction d'un mot ou d’un segment de phrase compliqué. De plus, l’apprenant risque de trop se reposer sur ces plateformes et par extension de ne pas développer ses compétences et sa réflexion.
D’autres supports comme les applications d’apprentissage en autodidacte comme Duolingo ou Babel, de par leur format pratique, interactif et ludique, permettent aux apprenants de pouvoir gérer eux-mêmes leur apprentissage de manière autonome Ces applications peuvent toucher un plus grand public de par leur accessibilité, car les apprenants n’ont pas besoin d’être inscrits dans uns structure d’enseignement. (sur téléphone portable, ou encore tablette). Cependant ces plateformes possèdent leurs limites, puisque il y a ce manque d’interaction avec un interlocuteur, une interaction indispensable dans l’apprentissage d’une langue. L’apprentissage d’une langue peut convenir à un niveau débutant, mais atteindra rapidement ses limites concernant une interaction apprenant/interlocuteur. Les inconvénients des applications comme Duolingo apportent une absence d'interaction humaine. Les compétences orales et conversationnelles nécessitent un véritable échange interactif. Or, les applications n'offrent pas la richesse des interactions en classe où les apprenants peuvent pratiquer des discussions spontanées, recevoir un retour personnalisé et nuancé de l'enseignant, ou échanger avec des pairs.
Du point de vue d'un professeur de FLE, l'utilisation des TIC en classe offre des opportunités intéressantes pour dynamiser les cours et diversifier les méthodes d'enseignement, notamment par des ressources multimédias et des outils interactifs. Cependant, leur efficacité dépend de l'intégration réfléchie dans la pédagogie : ils doivent être utilisés en complément d'activités traditionnelles favorisant l'expression orale et l'interaction, et non les remplacer. Pour tirer le meilleur parti des TIC, il est essentiel de veiller à ce qu'elles répondent aux besoins des apprenants et qu'elles servent les objectifs pédagogiques clairement définis."
Dynamisation
"Les outils informatiques et les TICE jouent un rôle important dans la facilitation de l’apprentissage des langues. Ce texte se propose d’explorer comment ces outils dynamisent l’enseignement et favorisent l’engagement des élèves.
Dans un souci de rendre les cours plus dynamiques et interactifs, les élèves sont encouragés à se déplacer dans la classe pour participer activement. L’utilisation de tableaux interactifs (TBI), de plus en plus présents dans les salles de classe, crée une motivation supplémentaire chez les apprenants. Cet aspect ludique et créatif de l’utilisation des TBI suscite l’intérêt et permet une participation active, essentielle à l’apprentissage. Les TICE permettent de diversifier les supports d’apprentissage, rompant ainsi avec la routine classique de la lecture de textes extraits de manuels scolaires. Les outils numériques offrent une variété de ressources visuelles et interactives, stimulant l’attention des élèves et enrichissant leur expérience d’apprentissage.
Les TICE favorisent une interactivité accrue et une immersion plus profonde dans la langue étudiée. Par exemple, les visites virtuelles de musées permettent aux élèves d’explorer des cultures sans avoir à se déplacer physiquement. De telles expériences rendent l’apprentissage plus engageant et pertinent.
L’utilisation des TICE donne accès à une multitude de ressources authentiques, comme des vidéos, des articles de presse ou des podcasts. Ces contenus réels enrichissent l’apprentissage et permettent aux élèves de se familiariser avec la langue dans des contextes variés. De plus, la possibilité de travailler à distance offre une flexibilité appréciable dans le processus d’apprentissage.
Des outils comme Pronote permettent aux élèves de suivre leur progression de manière transparente, souvent via un code couleur qui indique leur niveau de compétence. Cette évaluation continue est essentielle pour maintenir la motivation et aider les élèves à identifier leurs points forts et leurs axes d’amélioration.
Cependant, l’utilisation des TICE présente des inconvénients, notamment le risque de distraire les élèves de leur tâche initiale. Par exemple, dans la classe de technologie d’ordinateur en Chine, les élèves utilisent souvent les ordinateurs communs pour s’amuser, faire des jeux vidéo, etc. Donc, il est crucial que les enseignants adoptent des stratégies pédagogiques adaptées pour maintenir l’attention des apprenants tout en utilisant ces outils. Par ailleurs, enseignants doivent essayer d’éviter les méthodes un peu trop figées. Prenons l’exemple du modèle éducatif chinois : la situation de l’enseignement varie d’une province à l’autre, mais dans la plupart des provinces et des villes, les enseignants des collèges et lycées sont tenus d’utiliser des ordinateurs en classe, et les enseignants doivent créer des supports PowerPoint et utiliser des tableaux blancs interactifs, ce qui éveille sans aucun doute l’intérêt des élèves pour l’apprentissage, mais les élèves restent assez passifs et sont simplement exposés aux documents projetés. Ainsi, pour poursuivre la réflexion de John Biggs, l’utilisation prolongée d’un outil peut conduire les enseignants à devenir compétents dans le maniement de celui-ci, mais le fait de s’éloigner de ce que font les apprenants pose problème.
Il est également nécessaire de prévoir un plan B en cas de dysfonctionnement des appareils ou de manque de matériel. Les enseignants doivent être en mesure de s’adapter rapidement afin de ne pas compromettre la séance de travail. La flexibilité dans la méthode d’enseignement est primordiale pour garantir la continuité de l’apprentissage.
En somme, les TICE constituent un atout majeur dans l’apprentissage des langues, en offrant des moyens d’enseignement variés, interactifs et immersifs. Toutefois, il est important de rester conscient de leurs limites et de planifier en conséquence. À mesure que nous avançons dans l’ère numérique, il est essentiel de continuer à réfléchir à l’avenir de l’apprentissage des langues à travers l’utilisation judicieuse de ces technologies."
TIC et prise en compte de différentes compétences
"Tout au long de notre scolarité, et même parfois dans une démarche initiative de la part de l’apprenant, nous avons été confrontés aux TIC. Les TIC nous permettent de garder la motivation, l’intérêt des étudiants durant leur apprentissage. Elles peuvent être utilisées dans un cadre ludique. En groupe, nous avons fait une introspection de notre vécu et de nos rapports à ces technologies dans un cadre didactique.
Nos premières idées se sont centrées sur tout ce qui était visuel, par exemple le tableau (à craie, blanc, interactif...). Le tableau est un outil utilisé fréquemment dans l’enseignement, que ce soit pour illustrer une leçon, écrire des mots de vocabulaire, etc. Il est quasiment devenu indispensable. C’est un outil intéressant qui permet aux étudiants de s’appuyer sur un visuel. Sa polyvalence est utile, en effet, il peut appuyer la transmission du savoir du professeur, mais il permet aussi aux étudiants de l’utiliser. Par exemple, le tableau interactif plaît beaucoup aux enfants, qui sont euphoriques à l’idée d’interagir avec cet outil au travers d’activités ludiques et dynamiques.
Souvent, l’utilisation du tableau est combinée avec le vidéoprojecteur. Grâce à cela, il est possible d’utiliser des vidéos, des diaporamas, en bref des supports informatiques qui viennent appuyer les propos du professeur en apportant des exemples, en soulignant les parties essentielles du cours. C’est aussi un basic de l’enseignement, il est énormément sollicité. Nous nous sommes mises d’accord pour dire que c’était un indispensable. De plus, le vidéoprojecteur est équipé d’enceintes, ce qui nous permet d’avoir une stimulation audio-visuelle de la part des apprenants, car nous savons qu’il y a des étudiants qui ont une mémoire plus auditive et, a contrario, des étudiants avec une mémoire visuelle.
Nous avons ensuite pensé aux pancartes, représentant des pictogrammes, des images ou bien des mots. Cette activité permet de rompre le côté ennuyant du tableau, car, comme dit précédemment, il est toujours sollicité, ce qui peut rendre cette technologie ennuyante.
Actuellement, de nouvelles TIC apparaissent dans l’enseignement. Par exemple, dans notre groupe, il y a une personne qui a été confrontée au logiciel SCRATCH. Dans l’enseignement, il était utilisé pour apprendre les bases de la programmation aux enfants. Cet outil était utilisé dans le cadre de l’apprentissage des langues, car il permettait de mettre en scène des personnages dans un décor, avec des boîtes de dialogue, etc. De ce fait, les apprenants pouvaient créer leur propre histoire et travailler le vocabulaire vu en classe grâce à un 'jeu', tout en ayant comme sous-compétence la programmation.
Au cours de notre débat, nous nous sommes rendues compte que les TIC centrés sur l’audio étaient aussi très utilisés dans le cadre de compréhension orale par exemple. Les cassettes font partie des premières technologies. Elles contribuent à la motivation dans un sens, car la voix qui parle peut être associée à quelqu’un qui raconte une histoire. Cela stimule l’imagination. Elles permettent aussi à l’apprenant de se centrer sur la prononciation, l’intonation et la compréhension. Les livres audio et les podcasts rejoignent cette même idée. Les cassettes peuvent être aussi rébarbatives si l’audio ne comporte que des mots répétés, l’étudiant peut vite être déconcentré, rendant cette utilisation stérile à l’apprentissage. Il était fréquent aussi de trouver des lecteurs CD dans les salles de classe de langue. Ce petit poste permettait aux enseignants de mettre le CD lié au manuel utilisé en classe. Cette technologie s’est faite remplacée par les enceintes intégrées, de ce fait à l’heure actuelle, cette technique est toujours utilisée, elle a seulement changé d’instrument.
La COVID a aussi permis l’apparition de nouveaux outils dans l’apprentissage énormément lié à Internet. Par exemple, nous avons pensé à Zoom pour les cours en distanciel, mais il existe aussi un site internet, Mooc, qui permet de suivre un cours à distance tout en pouvant réagir directement à la vidéo en posant des questions par exemple. De plus, les étudiants peuvent suivre tous les types de cours proposés par différentes universités. Grâce à cela, l’étudiant reste connecté au professeur. Ces nouveaux moyens ont pallié le problème du confinement, malheureusement, ils ont été aussi la source de décrochage scolaire.
Pour conclure, nous avons aussi analysé l’utilisation d’application dans le cadre de l’auto enseignement de la part de l’apprenant. Utiliser des applications peut être compliqué pour des seniors parce qu’ils ont plus de mal à maîtriser les nouvelles technologies. Elles vont servir à viser un public ciblé. Certaines applications proposent des thèmes variés et adaptés selon le niveau, il est possible de choisir ce qui nous intéresse en fonction de nos besoins. Mais ces applications ne sont pas encadrées, il est plus facile de se lasser, de perdre la motivation. De plus, il n’y a pas d’évaluation, il est difficile pour l’apprenant de savoir si son niveau a évolué ou non. L’apprenant se retrouve face à lui-même."
Avancées et défis dans l’apprentissage des langues
"Les TIC ont transformé l’éducation, mais leur impact reste inégal selon les pays. Si elles facilitent l’accès au savoir, elles ne remplacent pas l’interaction humaine, essentielle dans l’apprentissage des langues. Alors, quels sont leurs véritables atouts et leurs limites ?
Au cours des 20 dernières années, les TIC ont rendu l’apprentissage plus flexible et interactif, surtout dans les pays développés. Les plateformes en ligne et les cours à distance ont démocratisé l’accès aux connaissances, modifiant en profondeur l’enseignement des langues.
Cependant, ces technologies révèlent aussi des disparités. Dans les pays développés, elles sont pleinement intégrées dans les systèmes éducatifs, tandis que dans les pays en développement, les infrastructures insuffisantes limitent leur adoption, exacerbant ainsi les inégalités.
Malgré leurs avantages indéniables, les TIC ont des limites. Elles offrent une immersion visuelle et auditive, mais ne remplacent pas les échanges humains directs, cruciaux pour maîtriser des compétences comme l’improvisation orale ou l’interprétation des nuances culturelles. L’apprentissage d’une langue exige un dialogue réel, un aspect que les technologies seules ne peuvent combler.
En outre, l’usage excessif des TIC peut entraîner une surcharge cognitive, avec un excès de stimuli visuels et auditifs, ce qui complique parfois l’assimilation des informations.
En somme, les TIC constituent un outil précieux pour l’éducation, mais elles ne peuvent se substituer aux interactions humaines. Leur succès repose sur un équilibre entre technologie et pédagogie adaptée à chaque contexte."
Comment bien utiliser les TICE ?
"Les TIC ne sont pas tout à fait nouvelles dans l’apprentissage des langues, mais leur rôle est devenu de plus en plus central avec les évolutions technologiques récentes. Nous avons souvent l’impression que les TICE sont universelles et peuvent améliorer l’apprentissage ou l’enseignement, ce qui est censé être le Saint Graal.
Rafael Salaberry, dans un rapport sur le rôle des TICE dans l’enseignement, affirme que leur véritable apport n’est pas toujours évident du point de vue de la recherche. Il existe peu de recherches montrant l’effet positif évident de diverses TICE dans l’enseignement de l’anglais, en particulier pour les enfants âgés de 6 à 16 ans (rapport du Centre EPPI au Royaume-Uni). Quand nous parlons de TICE, nous pensons avant tout aux technologies numériques (téléphone, ordinateur, etc.).
Cependant, les TICE peuvent également être considérées comme un outil susceptible d’intéresser l’apprenant pendant une certaine période. Mais il nous faut avant tout un effet durable sur une longue période. Est-ce pour cela que dans les écoles primaires françaises, les enseignants demandent aux parents de préparer un tableau blanc avec les marqueurs effaçables au lieu de tablette tactile pour leurs enfants à la rentrée scolaire ? Dans certaines écoles, les enfants utilisent de la craie sur leurs tableaux noirs. Ils révèlent une bonne écriture, concentration et bonne participation.
Rappelons que la position constructive de Jean Piaget, psychologue suisse, est célèbre pour sa théorie du développement cognitif chez l’enfant. Selon lui, l’apprentissage se fait en quatre stades principaux : sensori-moteur, préopératoire, opératoire concret et formel. L’enfant construit activement sa compréhension du monde en interagissant avec son environnement, notamment à travers l’expérimentation et la manipulation. L’utilisation de la craie et du tableau noir peut soutenir ce processus en facilitant l’interaction visuelle et kinesthésique, surtout lors du stade opératoire concret (7-11 ans), où l’enfant apprend mieux en manipulant des objets concrets et en visualisant des concepts. D’autres méthodes, comme les jeux éducatifs, l’apprentissage collaboratif et l’exploration active, complètent l’usage de la craie en stimulant la curiosité et en favorisant la pensée abstraite dans les stades plus avancés du développement.
Piaget montre donc l’importance d’un environnement stimulant, dans lequel l’enfant peut observer, imiter, expérimenter, et corriger ses erreurs pour développer sa compréhension.
Dans le contexte des approches communicatives et cognitives, les recherches de Richard Duda en 2007 rendent la présence de ‘méthodologies non traditionnelles’ tout à fait compréhensible. Par exemple, la suggestopédie développée par le psychiatre bulgare Georgi Lozanov dans l’année 1960, est une méthode d’enseignement qui repose sur la suggestion positive pour faciliter l’apprentissage. Elle utilise des techniques comme la musique, la relaxation et la visualisation pour créer un environnement détendu et stimuler la mémoire. L’objectif est de réduire l’anxiété des apprenants et d’augmenter leur capacité à assimiler des informations rapidement. Cette méthode est particulièrement utilisée dans l’apprentissage des langues. Ce qui complète indéniablement les pratiques existantes. Développer des outils qui considèrent Internet dans son ensemble comme un ensemble de ressources que les étudiants peuvent utiliser semble être la dernière tendance en termes d’innovation.
De nos jours, les TICE nous permettent d’améliorer l’apprentissage de la langue et d’animer un cours en introduisant des outils numériques.
Nous pouvons observer des aspects positifs de l’utilisation de ces technologies, par exemple l’utilisation de vidéoprojecteurs et de tableaux interactifs améliorant la compréhension visuelle des élèves, surtout pour ceux dont le canal sensoriel principal est visuel. Elles permettent également un accès plus large aux ressources, une personnalisation des apprentissages, et favorisent l’autonomie des apprenants. Cela a un impact également sur la motivation des apprenants. Si nous prenons l’exemple de l’utilisation des TBI dans une classe élémentaire, cela peut être un excellent moyen de faire travailler les élèves sur de la grammaire de manière ludique en leur donnant le stylo, afin d’inscrire leurs réponses sur le TBI. Par conséquent, les élèves se focalisent davantage sur l’envie d’aller de passer tableau et d’utiliser ce nouvel outil, repoussant aussi leur timidité.
En deuxième exemple, nous pouvons prendre le cas de l’École Agile de Perpignan, dans laquelle il nous est possible d’enseigner le français cette année. Nous avons l’occasion de nous confronter à deux types de publics: un premier type d’apprenants natifs de moins de dix ans en cours d’apprentissage du Français, ainsi qu’une seconde catégorie d’apprenants, allophones (de langue d’origine allemande, anglaise ou espagnole). L’apprentissage du français constitue pour ces deux groupes un enjeu d’apprentissage majeur. La stratégie employée repose sur un apprentissage multisupport qui mobilise, d’une part, l’utilisation de technologies traditionnelles adressées aux jeunes apprenants (manuels, cahiers d’activités personnels, heures de langues vivantes auprès d’un enseignant) et, d’autre part, l’utilisation des TICE, qui est commun aux deux cas de figures (apprenants natifs et non-natifs).
Cette utilisation des TICE est basée sur le volontariat et la motivation personnelle des élèves, qui demandent l’autorisation d’utiliser les technologies de l’école à leur médiateur. Si cette autorisation est donnée, les élèves se saisissent des Chromebook et des casques audio que leur établissement fournit. Depuis ces Chromebook, l’apprenant a la possibilité d’utiliser les plateformes que l’école met à disposition de ses élèves: principalement Duolingo, une application multilingue, et Lalilo, une plateforme spécifiquement faite pour l’apprentissage de la langue française et l’organisation de cours de français par les enseignants. Les deux plateformes fournissent des activités permettant de travailler la langue, enrichies de supports audio-visuels adaptés au niveau de l’apprenant qui s’y connecte. Dans cette disposition l’apprenant est actif dans l’utilisation du support et dans la réalisation des tâches que la plateforme lui propose. Tandis que l’enseignant se place dans une posture plus passive, d’observation et d’encadrement des activités. Il contrôle le travail effectif de ses apprenants en possession des outils informatiques, contribue à sélectionner des activités adaptées aux besoins de l’élève, prend note des résultats obtenus lors des activités, intervient dans l’analyse et la compréhension des erreurs qui ont pu être faites et, ensuite, place de nouveaux objectifs.
Ce cas particulier de mobilisation des TICE nous permet d’observer plusieurs avantages à cette mobilisation de l’outil informatique dans l’apprentissage de la langue française pour ce groupe hétérogène. Une utilisation qui possède également des limites importantes qu’il convient également d’expliciter.
Le premier avantage que nous pouvons observer au sein de ce dispositif, est celui de la motivation redoublée des apprenants à utiliser les supports numériques. En effet, ces étudiants sont confrontés de trois manières différentes à la langue française: intégrés dans un groupe-classe face à un enseignant qui leur transmet les éléments de connaissance, ensuite dans une démarche de travail personnel par un temps attribué aux exercices du cahier d’activité de chacun, et enfin par cette demande d’utilisation de l’outil informatique et des plateformes numériques. Cette troisième partie est pensée par les jeunes apprenants comme ‘en opposition’ des deux précédentes: elle est considérée comme plus ludique et l’interlocuteur principal de l’enfant n’est plus l’enseignant mais le support numérique lui-même. Ainsi la volonté de travailler la langue se superpose avec la volonté d’utiliser l’outil numérique et de ‘profiter’ de tout le côté ludique que la salle de classe ou le cahier d’activité ne fournissent pas, a contrario des applications et plateformes numériques qui complètent les enseignements d’activités pensées comme des jeux. Il en résulte une certaine différence entre les différents formats: le fait de participer à un cours en classe ou celui d’avancer dans le cahier d’activité est vécu comme une obligation tandis que la mobilisation de l’ordinateur est sollicitée par les apprenants.
Ensuite, nous pouvons observer une autonomisation du travail de l’apprenant: le matériel collectif est placé entre ses mains et il doit assumer la responsabilité d’allumer son support numérique, de se rendre sur les plateformes adaptées et de réaliser les activités. L’apprenant est placé dans une posture active dans la réalisation de ses tâches d’apprentissage autant que dans la mise en route et l’organisation de celles-ci. Cette activité accrue lui fait prendre conscience d’une manière plus directe de son niveau et des éléments nécessaires à sa progression, une progression illustrée et exprimée de manière plus explicite par les plateformes numériques (pourcentages, scores, meilleur temps, etc...). Ainsi, l’apprenant s’approprie ces supports et est en capacité de comprendre la logique interne des plateformes et de son niveau au sein de ces plateformes tout comme il pourrait le faire pour un jeu vidéo et de réagir de même: adapter ses techniques afin de progresser.
Cependant, cette mobilisation de l’outil informatique possède ses limites, tant en termes matériels qu’en termes d’apprentissage. Premièrement, l’apprentissage de la langue via cet outil informatique bloque la pratique de l’écrit, partie intégrante nécessaire de l’apprentissage de la langue. La substitution de la feuille de papier et du stylo par le clavier et le questionnaire à choix multiples développe, certes, des compétences numériques importantes, toujours est-il qu’elles sont éloignées des objectifs pédagogiques. La possibilité pour l’apprenant de réaliser une rédaction de bout en bout et ainsi de travailler, par l’écrit, les compétences linguistiques acquises d’autre part est absente, sinon fortement limitée par l’outil informatique qui possède ses propres outils de correction (si ce n’est une correction automatique qui ne permet même pas de prendre note des erreurs effectuées).
Ensuite, ce travail personnel sur l’outil numérique bloque l’un des éléments central du travail en classe ou accompagné qui est l’interaction. En effet l’interaction est centrale tant dans la pratique de la langue que dans la transmission et l’acquisition des règles qui la constituent: l’interlocuteur numérique, s’il possède un certain nombre de caractéristiques interactives ne permet pas une interlocution naturelle et une réelle mise en situation de l’apprenant dans sa pratique de la langue. Ainsi, cela limite les compétences travaillées par l’apprenant au panel de capacités possédées par l’outil, aux activités qu’il est susceptible de lui proposer. Ainsi, il advient toujours un moment où l’apprenant atteint un niveau maximal ou supérieur à celui que l’outil est ‘en capacité’ de lui transmettre.
Toutefois, avec l’utilisation des TICE, il est également crucial de surveiller la motivation des étudiants et de ne pas se reposer uniquement sur ces outils numériques. Bien que les technologies puissent rendre l’apprentissage plus interactif et accessible, elles ne garantissent pas automatiquement une motivation durable ou un apprentissage de qualité. Les étudiants peuvent rapidement se lasser ou être distraits par d’autres aspects des plateformes numériques, tels que les notifications ou l’usage excessif de la gamification.
C’est pourquoi, il est nécessaire de compléter l’apprentissage via les TICE avec des méthodes d’enseignement plus traditionnelles, telles que l’interaction en face à face, les discussions en classe, ou les exercices d’expression écrite et orale structurés. Ces méthodes permettent d’enrichir l’expérience des étudiants, en encourageant une réflexion plus profonde, en facilitant la pratique directe et en favorisant une interaction humaine essentielle à l’apprentissage des langues.
Puisqu’en effet, dans la société française, la demande pour les méthodes traditionnelles augmente également depuis plusieurs années. Un festival de calligraphie d’automne se tient en Occitanie. Selon des recherches de scientifiques tels que Stanislas Dehaene (France) et Virginia Berninger (États-Unis), l’utilisation de l’écriture manuscrite et de l’encre améliore les capacités cognitives humaines, en stimulant la mémoire, la créativité et la concentration. Ces découvertes renforcent l’idée que revenir à des pratiques anciennes peut avoir des bénéfices concrets sur le développement intellectuel.
Il est donc possible d’apprendre une langue sans avoir recours à un nombre important de TICE. Parfois, un apprentissage plus minimaliste est possible. L’utilisation notamment de quelques supports audio comme des cassettes ou des CD pour travailler l’écoute, peuvent suffire à l’apprentissage d’une langue.
Ainsi, l’utilisation des TICE dépend en premier lieu de l’utilisation que l’enseignant en fait, cela doit être une aide à l’apprentissage. Ces technologies ne remplaceront jamais complètement les approches classiques, notamment l’interaction humaine directe et la pratique de la langue en situation réelle. L’avenir de l’enseignement est sans doute dans une combinaison des deux, avec une approche réfléchie qui place toujours l’élève au centre. La question est donc : ‘Comment bien utiliser les TIC pour qu’elles améliorent vraiment l’apprentissage de nos élèves ?’"
Contributions de : Bouchra, Lise, Alessandra, Léa, Paul, Yana, Ouardia, Morgane, Peiyao, Yineth, Ambre, Valentina, Océane, Lucheng, Ning, Ludo, Kersandra
[1] Tyne, H. (2012). Corpus work with ordinary teachers: data-driven learning activities. In A. Boulton & J. Thomas (dir.), Teaching and Language Corpora: Input, Process and Product. Selected papers from TaLC9 (pp. 136-151). Masaryk University Press.