(Première version de l'article: 27 février 2012)
Dans son compte-rendu de l’utilisation des jeux vidéo pour apprendre les langues, Alexendra (voir l’article « Speak French or die ! ») évoque la question de l’utilisation « réelle » de la langue. Justement, l’authenticité en didactique des langues a fait couler beaucoup d’encre. Pour les uns, acteurs de la mise en place de l’approche communicative, l’utilisation de « documents authentiques » (c’est-à-dire des documents qui n’ont pas été fabriqués pour l’enseignement-apprentissage, mais qui ont été pris dans la communauté cible – des journaux, magazines, etc.) constituait une alternative nécessaire face à ce qu’offraient alors les méthodes (voir les travaux du CRAPEL dans les années 1970-1980) ; pour les autres, les documents dits « authentiques », une fois extraits de leur contexte d’utilisation dans la communauté cible, ne peuvent être réellement authentiques pour un public d’apprenants (par ex. voir les arguments de Widdowson) et il fallait alors songer aux moyens de rendre les activités de réutilisation des documents plus authentiques : faire jouer une pièce de théâtre, lire un journal en langue étrangère pour s’informer pour de vrai, etc.
Plus récemment (voir le débat dans la revue Applied Linguistics en 2009-2010), on a voulu mettre en cause le recours systématique aux documents authentiques pour des raisons plus idéologiques que scientifiques. Et le débat continue … même si les spécialistes s’accordent tous plus ou moins pour dire qu’il paraît aujourd’hui impensable d’envisager un programme d’enseignement-apprentissage sans qu’il y ait documents authentiques sous quelque forme que ce soit. De plus, il y a eu des changements par rapport aux débuts de l’utilisation des documents authentiques : aujourd’hui n’importe quel apprenant peut, grâce à Internet, accéder à une multitude de données en langue cible 24/24h ; ce n’était pas du tout le cas au début des années 1980.
Dans ce que dit Alexandra on voit un déplacement de l’idée de l’authenticité en didactique : il s’agit clairement de vouloir rendre la tâche authentique par-dessus les préoccupations linguistiques ou culturelles. Cette évolution de la prise en compte de l’authenticité dans l’enseignement-apprentissage des langues est décrite par Duda et Tyne. Ces auteurs, tout en traçant l’histoire de la mise en place des documents authentiques, évoquent également d’autres changements en didactique des langues, notamment en ce qui concerne l’autonomie et l’utilisation des TIC (questions d’input mais aussi de méthodologie). Justement, à propos de méthodologies, dans un groupe d’étudiants venus des quatre coins du monde (avec presque autant de langues maternelles que d’étudiants d’ailleurs), nous avons tenté d’analyser l’utilisation des TIC en insistant, un peu à la manière du projet CECA, sur les éléments partagés (ou pas), d’un pays à l’autre, d’une culture à l’autre. Parmi les différentes technologies abordées, on trouve la radio. Ainsi, pour un étudiant chinois, « écouter la radio en langue étrangère est une façon d’apprendre une langue étrangère authentique ». En effet, si on prend comme point de départ la définition du document authentique comme étant à la base tout document produit par la communauté cible (en langue cible) pour des raisons autres que pédagogiques (voir plus haut), la radio peut être vue comme un « document » authentique. D’ailleurs, cette question de l’utilisation de la radio comme document authentique a été soulevée dans l’intervention d’une journaliste de RFI dans une table ronde lors d’un colloque à Nancy en 2007. Ce qui est intéressant ici c’est le recours à un « document » dont le contenu n’est pas connu à l’avance (puisqu’il ne s’agit pas d’un enregistrement que fait écouter l'enseignant). On parlera surtout de situation de compréhension authentique dans la mesure où la préparation en amont reste assez limitée et où la pré-didactisation est quasi inexistante. Bien entendu, dès lors qu’on travaille avec des supports numériques, permettant la réécoute, on n’est plus dans la même problématique décrite par la journaliste de RFI. Selon les différents témoignages des étudiants, on se sert également de la radio comme « simple » dispositif permettant d’aborder un grand choix de thèmes différents (culture, histoire, cuisine, santé, politique...). Mais se pose quand même la question de la situation d’apprentissage lors de l'écoute: quand un programme est écouté en direct en classe, où quand l'apprenant a comme devoir d’écouter la radio, qu’en est-il de l'« authenticité » de la tâche...?