La communication est la clé de l’apprentissage : l’apprenant reçoit des informations, l’apprenant communique des informations, l’apprenant cherche à s’informer, à communiquer, etc. On prône d’ailleurs une approche dite « communicative » en didactique des langues. Or en didactique des langues on a trop souvent tendance à oublier l’apport des analyses qui portent sur la communication. Nous pouvons nous intéresser aux aspects particuliers de la communication que mettent en jeu les TIC, notamment parce que celles-ci changent la donne concernant la manière dont la communication a lieu, qu’il s’agisse du phonographe ou de rétroprojecteur, tout comme du courrier électronique ou du chat (pas le chat qui miaule mais le « tchat » ou clavardage). En particulier, on peut réfléchir à la notion de « distance communicative ». Cette notion peut s’appliquer de plusieurs façons différentes, selon que la distance réelle ou perçue, subie ou imposée, physique ou temporelle, etc.
Pour illustrer la notion de distance communicative, prenons la communication assistée par ordinateur (CAO) sous forme de chat, par exemple. La première chose qu’il convient de dire sur le plan linguistique est qu’on se trouve dans un contexte d’écrit : on communique par écrit, en combinant des lettres qui, visuellement forment des mots, des phrases, etc. Mais, d’un point de vue sociolinguistique, l’effet du degré de distance communicative dans les manifestations s’observe dans certaines caractéristiques qu’on associe typiquement à l’oral qui font leur apparition dans l’écrit : des indices d’une certaine spontanéité dans les productions, de la proximité entre participants, de leur engagement, etc. Ainsi, on s’aperçoit que, selon le contexte particulier (par ex. la possibilité de clavarder avec une personne qui est physiquement présente dans la même salle) on va pouvoir jouer sur certains aspects de la production des écrits qui, sur le plan sociolinguistique, sont très proches de l’oralité (en dehors de la différenciation médiale). En revanche, les deux extrêmes que sont, par exemple, l’écrit formel et l’oral informel diffèrent considérablement du point de vue de la manière de production et des caractéristiques linguistiques et discursives.
La question se pose alors de savoir comment aligner ces pratiques dans l’apprentissage : par exemple, si on fait communiquer les apprenants par mail (pourquoi pas après tout), il faut être au courant de ce que cela implique au niveau des contraintes sociolinguistiques (voir l’expérience dans Tyne 2008 pour la CAO). Par ailleurs, comme le montrent Roed (2003) et Nguyen & Kellogg (2005), on peut profiter de certains aspects de cette communication hybride pour stimuler des productions langagières là où on n’en aurait pas dans des situations plus « classiques » : la distance de l’écrit permet aux apprenants les plus timides de s’exprimer tout en gardant néanmoins une proximité relative par le chat qui maintient une communication « rapprochée » avec une certaine spontanéité dans les échanges. Quelle compétence travaille-t-on alors ? C’est de la production écrite ou orale ?