Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Voilà une question récurrente qui suscite toujours beaucoup de réactions de la part des étudiants. Des réactions qui sont d’ailleurs loin d’être partagées de tous :

- Je suis venu en France pour apprendre le vrai français, le bon français (réponse d’un étudiant Erasmus)

- J’enseigne le français non méridional (réponse d’un prof de FLE du nord)

- J’ai un accent du sud, j’essaie de le minimiser en cours de FLE (réponse d’un prof de FLE du sud)

- Moi, je parle français avec un accent régional, c’est légitime, je ne vois pas pourquoi je changerai ma façon de parler ! (réponse d’un prof de FLE)

- J’ai un accent étranger, c’est gênant, ce n’est pas du bon français (réponse d’un prof de FLE locuteur non natif du français)

- Etc.

La réponse « facile » (et sans doute la plus ancienne) consiste à enseigner le français « standard » s’appuyant sur les 37 phonèmes reconnus du français. En cas de doute, il suffit alors de vérifier dans un dictionnaire de référence tel le Petit Robert. Reste le problème de la phonétique combinatoire : le Petit Robert donne des mots isolés mais ne parle pas d’assimilations, ni d’allongements vocaliques. Toutefois, comme le précise le phonéticien F. Lonchamp, « ce français ‘standard’ est sans doute une fiction, mais utile ». En effet, il s’agit d’une « variété » plus ou moins figée, connue de tous et dont les règles (par ex. syllabes fermées et ouvertes) sont décrites, connues, etc. De plus, il s’agit d’une variété socialement non marquée.

Concernant le rapport aux données empiriques, il y a deux arguments qui s’opposent sur cette question de la variété standard comme modèle. Ainsi, pour certains chercheurs et enseignants, il serait impossible de décrire toutes les formes et utilisations possibles de la langue, et donc il faut plutôt insister sur le maintien d’un modèle unique dit « de nulle part » pour l’enseignement. En revanche, pour d’autres chercheurs et enseignants, il faut surtout essayer de développer une description des différentes variétés (y compris non natives) afin d’en arrêter les particularités et afin d’adapter les pratiques pédagogiques pour y incorporer certaines « tolérances » par rapport à la langue standard, fussent-elles en réception seulement. Par exemple, on pourrait réserver les variantes non standard à la seule compétence de compréhension (prise de conscience), considérant qu’il est peut-être plus utile pour un apprenant d’avoir un français neutre au niveau de la production.

En tout cas, une chose est sûre : les approches et les attentes ont changé. Si l’approche directe du début du vingtième siècle a largement insisté sur les aspects oraux, il ne s’agissait pas de n’importe quel modèle oral, comme en témoignent les différentes activités correctives articulatoires ainsi que le rôle des technologies (par ex. le phonographe comme modèle face à l’enseignant dont l’accent n’était peut-être pas « parfait »). Aujourd’hui, en revanche, l’enseignant n’est plus considéré comme le seul détenteur de la langue, et l’apprenant est confronté à des documents authentiques qui ne contiennent pas toujours du français standard. Par ailleurs, l’apprentissage de la langue n’est plus considéré comme une activité d’élocution, étant résolument tourné vers l’utilisation de la langue en situation : la communication est-elle réussie ou pas ? Se pose aussi la question du but de l’apprentissage : l’apprenant souhaite-il devenir enseignant ? chanteur lyrique ? Ou souhaite-t-il communiquer en français pour des besoins professionnels ? Etc. D'ailleurs, est-ce que le fait d'avoir un accent étranger pose vraiment problème ? Si oui, quand, comment ? Sinon, pourquoi, pour quelles raisons ?

Et nous n'avons rien dit sur la prosodie... Voir par exemple cet article sur la fonction expressive de la prosodie et cet article pour une présentation d'un logiciel permettant de travailler la prosodie en FLE.

Voir le volume 17(1) de la revue RFLA qui porte sur la question de la norme dans la langue parlée (et aussi sur les questions d'enseignement). Cliquer ici pour voir une présentation du numéro.

Tag(s) : #Phonétique