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(Première version de l'article: 8 mars 2012) 

je vous aime

Ce qu’on appelle la « compréhension orale » c’est le fait de faire correspondre une construction d’une certaine idée à une séquence de sons qu’on perçoit (c’est-à-dire qu’on entend, mais aussi très souvent qu’on voit également). Une suite de sons qui véhiculent une information peut ou non être comprise en fonction des facteurs contextuels. Autrement dit, une fois qu’on a identifié des mots, qu’on leur a donné une fonction syntaxique, une fonction pragmatique, qu’on a accédé à leur sens individuel, il reste la tâche de la compréhension, c’est-à-dire la construction de ce que nous pensons être l’information contenue dans le message. L’apprenant qui cherche à comprendre des productions orales en contexte s’appuie sur tous les éléments qui sont présents au moment de l’interaction, notamment les indices visuels. 

Pour le travail sur les supports audio-visuels en didactique du FLE, le fait de faire coïncider différents indices (y compris contextuels, culturels ou autres) permettant une meilleure compréhension est un atout considérable. Les témoiganges d'étudiants d'origines différentes tendent à converger lors de l'analyse de leurs apprentissages:

« Pour encourager les apprenants à apprendre librement et spontanément la langue étrangère les enseignants conseillent de regarder les films afin de se familiariser avec la langue étrangère ou avec un thème étudié en classe dans la langue cible (visionnage à la maison: auto-apprentissage). Dans ce cas-là, le visionnage n'est pas suivi d'une évaluation. Dans d'autres cas, le support audio-visuel est principalement utilisé pour travailler les compétences de compréhension et  de production. La vidéo est exploitée comme un élément déclencheur parce qu’elle associe l’image et le son, même si on ne comprend pas tous les mots, l’image aide à interpréter le sens. En plus, on a la possibilité de choisir la partie qu’on vise pour la travailler (on n’est pas obligés de passer tout le film). Les  professeurs font parfois visionner de courtes vidéos dont l'objectif est principalement le travail de compréhension orale et d'expression orale à travers l'ouverture de débats liés au thème de la vidéo. Les étudiants trouvent que l’audio-visuel est un moyen pertinent, original et ludique pour introduire un thème de cours car il permet de rentrer directement dans le sujet d'étude à condition de choisir des documents authentiques qui englobent tous les aspects nécessaires (culturels, linguistiques, phonétiques…). Ce qui contribue à la réussite des cours de langue en question en un temps réduit. »

En dehors des réflexions sur l'utilisation des films (en général en VO, avec la possibilité de mettre des sous-titres) en didactique, on peut aussi se pencher sur des questions plus techniques concernant les indices visuels et auditifs: est-ce qu'un apprrenant comprend bien lorsque les mouvements des lèvres ne correspondent pas tout à fait à ce qui est dit? Justement, le rôle des indices visuels est beaucoup plus important qu'on ne pense. Ce qu’on appelle l’« effet McGurk » est le fait de percevoir un son qui n’a pas été émis : on pense avoir entendu quelque chose car on s’appuie sur les indices visuels et non sur le son. Ainsi, lors de l’expérience McGurk, en changeant le son qui correspond à un mouvement particulier de la bouche, les auditeurs disent avoir « entendu » un son qui n’a jamais été émis. Voir ce film (à partir de 30 secondes) : http://www.youtube.com/watch?v=G-lN8vWm3m0.

Le doublage des films, qui consiste à remplacer une bande sonore par une autre, pose problème notamment en ce qui concerne la réception et la tolérance envers les mouvements articulatoires. Lorsqu’il s’agit d’un film en VO, où ce sont les mêmes acteurs (ou d’autres acteurs de la même langue) qui interviennent en postsynchronisation, le souci premier est de faire correspondre la voix enregistrée aux mouvements articulatoires apparents à l’écran : si on voit une plosive bilabiale à l’écran, il faut que ce qu’on entend y corresponde. Or, il arrive parfois qu’on décide de changer ce qui est dit en postsynchronisation. Le défi réside alors dans le fait de faire correspondre un son à un autre qui a des mouvements articulatoires similaires (on parle de « lip-synching » – synchronisation des lèvres). Cette technique est utilisée dans le film Forrest Gump où on voit le président Nixon dire des choses qu’il n’a jamais dites.

Pour ce qui est de la traduction de films, l’enjeu est double car il faut non seulement chercher à faire correspondre des sons à des mouvements, mais il faut aussi le faire en langue étrangère. Voilà pourquoi on dit que la traduction pour le doublage est plus une « adaptation » qu’autre chose car l’auteur du texte en langue étrangère doit essayer de garder le sens de l’original tout en faisant correspondre les mouvements articulatoires à des mouvements similaires en langue étrangère. Selon le texte à traduire, cette tâche sera plus ou moins facile. Par exemple, certains passages ne peuvent se traduire autrement qu’avec des mots connus, même si les mouvements articulatoires ne sont pas les mêmes : par exemple, « to be or not to be » doit être « sein oder nicht sein » en allemand et « essere o non essere » en italien, etc. La postsynchronisation dans la traduction donne souvent lieu à des critiques de personnes ayant vu le même film en VO et qui ne sont pas au courant des pratiques de lip-synching, ou bien des critiques concernant le choix de lexique en langue cible. En ce qui concerne la « mauvaise » traduction, on peut citer l’exemple du mot allemand « zwei » (deux) qui, au niveau du lip-synching, ne peut être rendu par deux (essayez devant une glace et vous le verrez). Ainsi, s’il s’agit dans le film de dire le nombre personnes qu’on a vues quelque part, par exemple, et si le fait que ce soit deux (ou trois, ou quatre…) importe peu, on peut opter pour trois dans l’adaptation afin de reprendre le même mouvement initial que dans « zwei ». Alors, mauvaise traduction (zwei > trois) ou bonne synchronisation phonétique ?

Tag(s) : #TIC