Lors d’un colloque à Nancy en décembre 2007, R. Duda qualifiait le sujet de l’intervention de S. O’Riordan (cliquer ici pour lire l’article paru dans la revue Mélanges CRAPEL) de « serpent de mer » qui refait surface de temps en temps. En effet, la question de l’utilisation (ou non) de la première langue (L1) des apprenants fait débat en didactique des langues et ce depuis plus de cent ans. On connaît l’histoire des méthodologies, on sait pourquoi le changement qu’implique la mise en place de l’approche directe au début du vingtième siècle est si important pour le développement de l’enseignement des langues « modernes » ou « vivantes ». On connaît également les arguments des spécialistes travaillant plus récemment sur la question de la métacognition, pour qui le recours à la L1 est important dans la prise en compte de l’apprentissage par l’apprenant lui-même. Mais, on connaît aussi la réussite des programmes d’immersion et le retour à des méthodes plus axées sur l’input en langue cible. Or le manque de naturel dans les communications en langue cible entre apprenants ou entre apprenants et enseignants est problématique. Et ainsi de suite: il y a des pour et des contre, il y a des contraintes et des milieux, il y a des objectifs différents ... (sans parler des avis de personnes différentes qui gardent toujours un œil sur ce genre de question : inspecteurs, journalistes, parents, enseignants, politiques, etc.).
Dans un exposé récent, Laura (étudiante en DU FLE à l’Université de Perpignan Via Domitia) évoquait le déplacement de la question dans sa réflexion personnelle : au lieu de se focaliser sur ce que fait l’enseignant, sur la langue qu’utilise celui-ci pour communiquer (on a souvent reproché à l’approche directe, par exemple, d’avoir accordé trop de place à l’enseignant orateur devant des apprenants captifs) il peut être intéressant de réfléchir à ce que fait l’apprenant. En effet, comme le disait Laura, lorsque l’apprenant est amené à comparer la langue en cours d’apprentissage à d’autres langues qu’il connaît, ou à sa L1, cela peut s’avérer très riche, quelle que soit la langue d’instruction finalement.
Dans un travail auprès d’ENA (élèves nouvellement arrivés) N. Auger de l’Université de Montpellier 3 développe une approche censée rendre les apprenants plus actifs dans leur apprentissage. Cette approche est basée sur la comparaison entre la ou les langues que maîtrisent déjà les apprenants et la langue cible (le français). Ainsi, si l’instruction se fait entièrement en langue cible (c’est en France avec des instituteurs français devant des groupes d’apprenants hétérogènes ce qui rend le choix du français comme langue d’instruction assez inévitable) la démarche s’appuie sur le recours stratégique aux connaissances déjà en place sur le langage et sur la communication en général. C’est justement le fait de faire de l’apprenant un être actif, capable de mieux comprendre comment fonctionne le français grâce à des comparaisons avec sa langue ou avec les langues des autres apprenants dans le groupe qui est mis en avant.
Alors, serpent de mer ou ver de terre ?
Pour voir des séquences extraites du DVD « Comparons nos langues », cliquer sur : 1, 2, 3 et 4. Pour savoir plus sur la démarche d’apprentissage en question, cliquer ici.
Voir aussi l'article « Tenir compte des langues premières dans l'enseignement/apprentissage des langues vivantes » (16/10/2012).