(Première version de l'article: 24 septembre 2012)
On prône aujourd’hui la séparation des compétences (compréhension/réception écrite, expression/production écrite, compréhension/réception orale, expression/production orale) en didactique des langues et ce pour un certain nombre de raisons, à la fois acquisitionnelles (par ex. prise en compte des aspects cognitifs) et pédagogiques (par ex. questions de cohérence et de méthode) : on ne parle pas comme on écrit, on n’utilise pas la langue de la même façon selon ce qu’on fait, etc.
En revanche, dans la vie de tous les jours, on est à peu près certain que l’individu « normal » ne pense pas les activités langagières dans sa propre langue en termes de compétences séparées : il existe en tant qu’être complexe à travers différentes utilisations de sa langue qui ne sont pas nécessairement analysées (même s’il est possible d’effectuer un découpage en compétences a posteriori). Toutefois, en ce qui concerne l’utilisation des TIC dans la vie de tous les jours, il est intéressant de constater qu’il existe un certain nombre de contraintes « naturelles » : quand on envoie un mail, on écrit ; quand on communique par téléphone, on parle et on écoute, etc. Justement l’utilisation des TIC en didactique des langues tend à épouser cette séparation « naturelle », dans la mesure où chaque technologie renvoie à un type d’activité: si je vous dis « magnétophone » vous me répondez « compréhension orale », etc. On a souvent tendance à lier certains outils, certaines technologies à des activités « types » à des exercices ciblant telle ou telle compétence, ou mettant en avant telle ou telle méthode pédagogique. Par ailleurs, dans l’histoire du développement des TIC on voit que les TIC, traditionnellement, ont permis de contenir les compétences, de les cibler une à une : qu’il s’agisse du phonographe pour améliorer la production orale (accent), du magnétophone pour travailler sur la compréhension orale, ou des CD-Rom et autres didacticiels permettant de ciblant ce sur quoi on souhaite travailler (exercices de compréhension et de production plus ou moins en autonomie).
Mais on pourrait questionner cette corrélation. Par exemple, si une technologie comme le magnétophone permet de bien cibler la compréhension orale, compétence rendue plus ou moins étanche par le matériel, que fait-on des technologies plus récentes permettant la multimodalité, c’est-à-dire la compréhension et la production ? On s’aperçoit que bien des activités impliquant les TIC de nos jours ne permettent finalement pas d’opérer cette séparation simple, mettant en jeu des manifestations langagières assez diversifiées où, en particulier, la frontière entre oral et écrit est rendue assez floue (en dehors de la différence médiale). Et une analyse détaillée de ce sur quoi repose réellement chacune des compétences (par ex. pour l’écrit : bien souvent à l’aide d’un clavier, sans préparation et sans relecture) pourrait faire évoluer notre approche en didactique des langues. Justement, l'ordinateur peut être utilisé dans dans différentes situations, comme l'ont souligné les étudiants du Master FLE dans leurs témoignages et dans leurs analyses des pratiques. Par exemple, des extraits audio peuvent être mis à disposition des apprenants, leur permettant de travailler la compréhension orale. D’ailleurs, un grand nombre de supports de cours de compréhension orale peuvent être dispensés à travers l’écoute de documents authentiques ce qui permet de travailler la prononciation de la langue visée avec des exercices d’écoute et de répétition (ou d'enregistrement), par exemple. Beaucoup d’apprenants ont accès aux sites d’apprentissage en ligne, notamment dans le cadre de l’auto-apprentissage ou dans un centre de langues. Dans tous les cas, il apparaît que l’ordinateur est un outil multimédia, qui permet certes de travailler les compétences de compréhension, mais qui permet également de travailler la production, orale (par ex. via un logiciel comme Skype, ou via l’auto-enregistrement pour les aspects phoniques) comme écrite (par ex. différents écrits allant des styles les plus formels aux styles les plus « spontanés » via la communication écrite synchrone).